Auteur(e)s : Gabrielle Gagnon, enseignante en adaptation scolaire et sociale et fondatrice d’Au Grand Air
Enfance et connexion nature : une fenêtre à saisir
Nous avons tous des souvenirs heureux de temps passé en nature lorsque nous étions enfants. Le temps de l’insouciance où nous attrapions des grenouilles, courrions dans les champs et grimpions aux arbres sont parfois nos plus beaux souvenirs d’enfance.
Pour ma part, d’aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours sentie bien en forêt et j’ai toujours senti une connexion très forte avec la Nature. Enfant, je passais des heures dans les bois, pieds nus, tentant de communiquer avec mes amies couleuvres, mésanges et libellules. La forêt a toujours été une maison pour moi et je n’y ai jamais eu peur.
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui me laissaient une grande liberté, comprenaient mon besoin de jouer dehors et acceptaient de ne pas savoir exactement où je me trouvais. Je rentrais souvent sale, mais le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
À l’école, j’étais une enfant sage et douée, mais je n’étais pas heureuse à l’intérieur et la fenêtre de ma classe attirait toujours mon regard vers une expérience qui me semblait plus intéressante. J’ai maintenant la chance de vivre en forêt et de m’endormir au son du hibou et du vent. J’ai aussi la chance d’enseigner exclusivement dehors, ce qui me comble de bonheur. Je souhaite transmettre ma passion pour le plein-air et aider les enfants à créer un lien significatif avec la Nature, comme celui que j’ai eu la chance de créer enfant.
Est-ce si important que les enfants créent une connexion avec la nature?
Je crois que c’est en fait primordial, surtout à notre époque. Richard Louv, dans son livre Last Child in the Woods en 2005, définissait le déficit nature comme le «phénomène issu du déclin du contact avec la nature dans les sociétés modernes causant des impacts humains et environnementaux négatifs».
Le meilleur moyen de contrer le déficit nature est de passer du temps en milieu naturel. Vivre des moments en nature permet aussi de développer une sensibilité environnementale. La recherche prouve que c’est en passant des moments de qualité en nature, plutôt que par des enseignements formels et dirigés, que nous développons notre conscience environnementale. Comme l’a dit Jacques-Yves Cousteau : «On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime».
Vivre des beaux moments en compagnie de la Nature permet aussi de développer la spiritualité chez l’enfant. Je n’évoque pas ici une religion, mais un sentiment de bien-être créé par une spiritualité saine. Cette spiritualité se traduit par le sentiment de faire partie d’un grand tout, d’être connecté et interdépendant avec ce qui nous entoure dans la Nature. C’est sentir que l’épinette et la salamandre sont nos sœurs et avoir le désir de les protéger. C’est être bien dans notre maison, la Nature.
Il est aussi important de créer un lien avec la Nature, car cela augmente le bonheur chez les enfants. En effet, une nouvelle étude « Connectivité à la nature: son impact sur les comportements durables et le bonheur chez les enfants » par des chercheurs (Barrera-Hernández et al., 2020) au Mexique, a révélé que se sentir connecté à la nature a tendance à rendre les enfants plus heureux.
Plusieurs facteurs peuvent favoriser la création d’une connexion avec la Nature chez l’enfant. Que ce soit en milieu urbain ou rural, les moments inoubliables en contact avec la Nature sont possibles.
En tant qu’adulte, il est possible de mettre en place certains éléments aidant à la création du lien. En voici quelques-uns.
Le plaisir
Il est primordial que le temps passé en Nature, en famille ou avec son enseignant.e, soit amusant et dénué de stress. Le but premier doit être le plaisir et le jeu afin que les enfants vivent un moment positif en contact avec la Nature.
La lenteur
Le rythme lors de nos sorties en forêt ou au parc est très important. Nous voulons prioriser la lenteur afin de permettre aux enfants de s’imprégner de ce qui les entoure, d’explorer et de se sentir calmes. Si nous prenions le temps de compter le nombre de fois qu’un enfant se fait dire «Dépêches-toi!» dans une journée, nous serions dégoutés. Pourquoi pas, lors de nos sorties en Nature, prendre le temps de marcher doucement, de s’arrêter souvent, de goûter, de sentir et d’écouter? Après tout, le but n’est pas d’enchaîner les kilomètres, mais plutôt de connecter avec ce qui nous entoure. La Nature est lente : le changement des saisons, la souche qui se décompose, l’arbre qui pousse… Inspirons nous de la Nature en sa présence. Laissons un moment tomber notre horaire pour laisser la magie opérer!
Le temps alloué aux sorties en nature
Afin que la connexion se crée entre les enfants et la Nature, le nombre de temps passé dehors est important. Plus la fréquence est accrue ou la longueur du séjour en Nature est grand, plus la connexion sera facile à créer. Pour que les enfants développent un sentiment d’appartenance au boisé et se sentent à la maison, il faut du temps.
Le sentiment de liberté
Le plus beau des sentiments, celui de la liberté! En faisant confiance aux enfants et en les laissant s’éloigner de l’adulte, nous lui offrons toutes les chances de créer un lien avec son environnement. Les enfants ont parfois besoin de moments où ils sont imprégnés du monde naturel, dans leur monde, loin du monde des adultes. Lors des sorties, nous prendrons donc parfois le rôle d’observateur et mettrons notre cape d’invisibilité afin de ne pas briser l’élan. L’approche émergente permet aussi une plus grande liberté à l’enfant, car les apprentissages se font au fil des découvertes des enfants sur le terrain.
Prendre soin de tout ce qui vit
La biophilie, c’est l’affinité instinctive que l’être humain a pour tout ce qui est vivant. Je suis convaincue que les enfants ont tous l’amour des êtres vivants et que la biophobie s’apprend en grandissant. Les enfants aiment les animaux, les insectes ainsi que les arbres et cet amour vient naturellement. Afin de l’encourager, nous pouvons proposer des activités qui visent à prendre soin des êtres vivants, favoriser l’empathie et l’admiration envers toutes les créatures, même les plus petites. Pour cela, il faut rester positifs et bienveillants envers la Nature en présence des enfants, même envers les insectes piqueurs! Une maman me racontait que son fils a vu une abeille se noyer dans la piscine et elle l’a encouragé à la sauver. L’enfant a pris le temps de s’assurer que l’abeille était toujours vivante et lorsqu’elle s’est envolée, il a dit à sa maman : «L’abeille ne m’a pas piqué parce que je lui ai sauvé la vie! Peut-être qu’elle reviendra me voir?» L’amour et l’empathie étaient au rendez-vous dans ce court moment de contact avec la Nature.
La gratitude
Lors de nos sorties en forêt avec Au Grand Air, je propose aux enfants de dire merci à la fin de l’activité. Ils disent merci aux arbres de nous avoir protégé du soleil, au feu de nous avoir réchauffé ou au sapin d’avoir contribué à faire une bonne tisane. Je trouve que ce moment permet de s’arrêter et de comprendre que la Nature nous apporte beaucoup. Cela permet aussi aux enfants de constater que le bonheur n’est fait que de petits détails.
En conclusion
Je crois qu’en tant que professionnels en éducation, nous avons un devoir envers notre planète et envers les générations futures. En cette époque que nous vivons, nous prenons conscience que les changements doivent se faire maintenant. Les jeunes du monde entier nous implorent de faire bouger les choses afin qu’ils puissent eux aussi avoir un avenir dans un environnement sain. Ce changement, cette décroissance, peut débuter dans nos écoles, par des petits et de grands gestes. Le plus noble et le plus grand geste que nous pouvons faire est de changer notre vision de l’enseignement. Ralentir, simplifier et offrir du temps aux élèves pour comprendre l’importance de l’équilibre dans la nature. Pour se faire, passer du temps dans la forêt est le meilleur moyen.
Offrons le plus beau des cadeaux pour l’avenir de nos enfants : celui d’aimer la Nature, de s’y sentir bien et d’avoir envie de la protéger!