Auteur(e)s : Entrevue avec Marilyn Perras réalisée par Isabelle Robitaille
Photo : Julie Beauvais, Collège Jean de la Mennais (Défi Ouvre ta porte 2024)

Marilyn Perras est enseignante de sciences et technologies au Collège Ville-Marie de Montréal depuis 12 ans. Elle a complété le programme d’Intervention en contexte de plein air à l’UQAM en 2023-2024. Elle s’intéresse présentement à la formation des enseignant·e·s en lien avec l’éducation en plein air dans le cadre de ses études à la maîtrise en sciences de l’éducation à l’Université de Sherbrooke.
Avec ses élèves, Marilyn explore les parcs à proximité de l’école pour consolider leurs apprentissages en sciences. Avec ses collègues, elle met en place des projets interdisciplinaires en plein air qui contribuent à augmenter l’implication et la motivation des jeunes.
1. Comment en es-tu arrivée à t’intéresser à l’impact de l’éducation en plein air sur l’apprentissage des sciences au secondaire ?
Je travaille dans un milieu qui offre le programme Sport plein air, où les élèves vivent souvent leurs cours d’éducation physique à l’extérieur. Au départ, j’avais une tâche d’accompagnement et j’étais jumelée à l’enseignant d’éducation physique qui allait dehors avec ses élèves. J’ai vu l’effet d’être à l’extérieur et ça a allumé une étincelle en moi. Par la suite, j’ai fait équipe avec le nouvel enseignant qui enseigne en éducation physique pour faire des projets interdisciplinaires. C’est comme ça que j’ai commencé à faire des sciences à l’extérieur.
J’ai ensuite eu envie de m’inscrire au programme d’Intervention en contexte de plein air de l’UQAM pour aller chercher des outils et de la littérature scientifique pour appuyer mes démarches et les faire valoir auprès de mes collègues et de la direction. En consultant des ressources existantes et des idées de projets tirés de différentes communautés de pratique, j’ai réalisé que c’était possible. Ça a vraiment été la petite flamme qui m’a incitée à croire qu’enseigner les sciences dehors pouvait avoir le même effet chez les élèves que ce que j’avais pu constater dans les cours d’éducation physique.

2. Qu’est-ce qui te motive à enseigner à l’extérieur ?
Je vois la différence chez mes élèves quand on est dehors. Les mettre en action, ça change tout ! Juste le déplacement, le fait d’avoir à marcher jusqu’au parc, contribue à rendre les élèves plus attentifs et calmes.
Ça me semble aussi essentiel de contextualiser les apprentissages en lien avec le programme de science. Je trouvais ça aberrant de parler des êtres vivants dans un cahier. Même en ville, en étant surtout dans des quartiers résidentiels, il y a quand même des parcs, des étendues d’eau. Je fais le pari que ça va être plus marquant pour l’élève d’apprendre dans un environnement signifiant et que ça va faciliter son apprentissage. Ça rend aussi la matière plus intéressante et les élèves plus allumés.
3. Quels sont les principaux défis auxquels tu es confrontée et comment parviens-tu à les surmonter ?
1) Je dois accepter que ce n’est pas tout le programme de sciences et technologies qui peut être enseigné à l’extérieur. Ce ne sont pas tous les concepts qui sont pertinents dans ce contexte. Je me concentre sur les notions qui s’y prêtent mieux et je mise sur la plus-value : ce qui est appris dehors est mieux intégré chez les élèves. Je choisis les activités que je fais vivre à mes élèves dehors. Je planifie les sorties dans le but de contextualiser la matière pour bonifier la compréhension des élèves et non pour les évaluer. Je n’ai pas donc pas la pression de gérer un élève absent qui manquerait la sortie et ça m’évite du stress si l’activité ne se passe pas comme prévu.
2) Les collègues et la direction peuvent parfois être réticents à l’enseignement extérieur. Je continue de me former pour m’appuyer sur des sources scientifiques et faire valoir ma pratique. L’isolement peut aussi se faire sentir quand on est une minorité à enseigner dehors. Participer à des communautés de pratique me permet de réseauter avec d’autres profs intéressés par l’éducation en plein air. Consulter les banques de ressources en ligne, comme celle du site Enseigner dehors, contribue aussi à enrichir mes idées d’activités et à améliorer ma pratique.
3) Sortir dehors avec une classe n’est pas nécessairement facile, mais les petits enjeux sont surmontables. Je réussis à faciliter ma gestion de groupe en utilisant un sifflet comme signal sonore que les élèves reconnaissent et qui leur indique que c’est le moment de se rassembler. Je répète les consignes avant chaque sortie et je rappelle aux élèves de s’habiller adéquatement pour que le projet vécu à l’extérieur soit plus agréable.
4. Comment réagissent les adolescent·e·s lors des sorties à l’extérieur ? Vois-tu des effets sur leur comportement ou leur motivation par exemple ?

Je vois définitivement des effets positifs chez les élèves. Ils ont hâte aux sorties et ils sont contents d’être à l’extérieur. J’observe aussi une plus grande facilité dans la compréhension de certaines notions. Lors des périodes en classe, c’est plus concret pour les jeunes de faire référence à des concepts qui ont été travaillés à l’extérieur.
Je constate que les élèves collaborent mieux lorsqu’ils accomplissent des tâches en équipe dehors parce qu’ils savent qu’ils auront du temps pour jouer lorsqu’ils auront tout terminé. Ça me permet de donner de la rétroaction à chaque équipe pendant qu’ils sont au travail et, plutôt que de perdre leur temps en attendant que la cloche sonne à la fin du cours, ils ont du temps pour du jeu libre ou pour faire un jeu de groupe dirigé. Ça les motive et ça leur donne déjà hâte à la prochaine sortie.
En se déplaçant entre l’école et le parc, les élèves dépensent leur surplus d’énergie et tout le monde en retire des bienfaits. Ils sont plus concentrés et plus calmes pour le reste de l’activité. Ça a également un bel effet d’entraînement : de retour à l’école, les élèves des autres groupes me demandent quand ce sera leur tour d’aller apprendre à l’extérieur !
5. Comment l’enseignement extérieur te permet-il de collaborer avec tes collègues qui enseignent d’autres matières ? Est-ce que l’interdisciplinarité est possible en contexte d’enseignement extérieur au secondaire ?
L’interdisciplinarité apporte son lot de défis, mais c’est une pratique vraiment stimulante ! Ça aide à la gestion du temps : on peut couvrir différentes notions de plusieurs matières en faisant un seul et même projet. Un de nos projets interdisciplinaires consistait à construire un boomerang : les élèves ont fait une construction en technologie et ils ont pratiqué le transfert de poids en éducation physique.
La collaboration entre les enseignant·e·s est essentielle pour que ça fonctionne. C’est important de trouver ses allié·e·s et de bien s’entendre avec les autres enseignant·e·s avec qui on travaille. Ça prend une bonne communication au sein de l’équipe. Plusieurs cerveaux qui travaillent ensemble, c’est gagnant pour la planification, mais on désigne toujours un seul leader par sortie. Il faut s’entendre sur la gestion de classe et discuter de ce qu’on tolère ou pas, mais c’est un·e seul·e enseignant·e qui est responsable de guider l’activité. Les autres accomplissent différentes tâches bien définies (ex : gardien du temps) pour soutenir la personne en charge.
C’est aussi une bonne façon d’initier les collègues à l’enseignement extérieur. Par exemple, avec les enseignant·e·s d’éducation physique et d’univers social, on a prévu une sortie au Mont-Royal. La randonnée rejoignait le contenu du programme d’éducation physique, les élèves avaient lu des articles sur la conservation du milieu dans le thème des territoires forestiers en univers social (ils ont pu faire des observations à la montagne où des clôtures avaient été coupées et des gens avaient passé dans les zones de conservation) et ça rejoignait des notions d’écologie en science.
De voir l’illumination dans les yeux de mon collègue d’univers social pour qui c’était une première expérience en plein air, de l’entendre dire à quel point les élèves avaient bien travaillé et de constater qu’il parlait positivement de son expérience à d’autres enseignant·e·s, c’était magique. C’était aussi très agréable pour moi d’accompagner mon collègue dans ses débuts en enseignement extérieur, grâce à notre projet interdisciplinaire.
Trucs & astuces
Vous souhaitez vous aussi planifier des projets en plein air avec vos collègues ? Voici quelques trucs et astuces pour vous lancer et vivre de belles réussites.