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Cinq raisons essentielles pour enseigner dehors pendant et après le confinement

Auteur(e)s : Sarah Wauquiez, enseignante, psychologue et pédagogue par la nature

Cinq raisons essentielles pour enseigner dehors pendant et après le confinement

Enseigner dehors (Outdoor Learning, Learning/Education outside the Classroom) désigne une pratique d’enseignement qui se fait de manière régulière dans l’espace naturel et culturel proche, de manière interdisciplinaire et en travaillant les objectifs du programme scolaire dans toutes les matières (définitions: Council of Learning outside the Classroom, TEACHOUT Project).

Enseigner dehors à proximité de l’école n’est pas une sortie scolaire. Si traverser le quartier pour aller à la cantine ou à la salle de sport est possible, prendre un coin de nature à portée de pied pour salle de classe ne peut être considéré comme telle.

Pendant le confinement, des enseignants à travers le globe ont continué à enseigner dehors à distance, en donnant aux élèves des tâches à réaliser sur leur balcon, dans leur jardin ou lors d’une promenade dans la rue. (Voir idées du podcast: Apprendre dans et par la Nature – aussi à l’ère du confinement, L’école à la radio – L’école à ciel ouvert avec Sarah Wauquiez).

Pour combler l’inégalité de l’accès au dehors pendant le confinement, c’est autant important de privilégier l’enseignement dehors après. Car enseigner dehors permet une meilleure réussite scolaire, cultive les compétences-clés de réussite au 21ème siècle, est bon pour la santé et la gestion du stress, renforce l’estime de soi, reconnecte les enfants au réel et à leur environnement proche.

Cinq raisons essentielles pour enseigner dehors pendant et après le confinement

RAISON 1 : enseigner dehors permet d’atteindre de meilleurs résultats en langues, en mathématiques et en sciences qu’un enseignement en salle.

Les recherches sur l’enseignement dehors montrent que les élèves qui suivent régulièrement l’école dehors montrent de meilleurs résultats en mathématiques, langues et sciences que les élèves instruits principalement en salle de classe (Kuo et al., 2019; Mirrahimi et al., 2011; Malone & Waite, 2016; Otte et al., 2019). Ils s’engagent mieux en classe et ils sont plus motivés à apprendre (Kuo et al., 2018; Bolling et al., 2018). Pour travailler les apprentissages fondamentaux en langues et en mathématiques, les spécialistes conseillent de lier l’apprentissage abstrait, la conceptualisation et la réflexion à de l’apprentissage direct, par l’expérience en situation authentique.

Pendant la fermeture des écoles, les élèves ont principalement travaillé les langues, les mathématiques et les sciences, et moins les matières artistiques. Ils ont travaillé principalement de manière virtuelle et sur des fiches, et moins dans des situations d’apprentissage concrètes, authentiques et en passant par l’expérience directe. Ces situations d’apprentissage sont donc à privilégier après la rentrée.

Crédit photo : Julie Moffet

RAISON 2 : enseigner dehors cultive les compétences-clés du 21ème siècle.

Comment les élèves d’aujourd’hui peuvent-ils rester compétitifs sur un marché du travail toujours changeant? Les quatre compétences-clés pour une bonne réussite sont (Lamry 2018 ; UNESCO 2014 ; World Economic Forum 2016) :

  • la communication
  • la collaboration
  • la créativité
  • l’esprit critique

Car pour résoudre des problèmes, il faut développer une pensée latérale et non-conformiste, travailler en équipe, être inventif, partager des solutions et tirer profit de ses erreurs.

Les recherches montrent que l’école du dehors stimule davantage et plus facilement ces compétences que l’enseignement classique en salle, en plus de l’autonomie, l’autodiscipline, la concentration et les compétences langagières. (Bolling et al., 2018, 2019 ; Kuo et al., 2018, 2019 ; Malone & Waite, 2016 ; Mirrahimi et al., 2011).

Après cette période de solitude chez soi et de communication virtuelle avec les autres, pour réussir dans la vie, les élèves ont premièrement besoin d’affiner leurs compétences personnelles et sociales, en interagissant avec les autres, portés par une bonne ambiance de groupe.

Crédit photo : Josée Nadeau
Crédit photo : Josée Nadeau

RAISON 3 : enseigner dehors est bon pour la santé.

Enseigner dehors renforce le système immunitaire et prévient les chutes, les allergies, la myopie et les maladies cardio-vasculaires. Enseigner en plein air dans un cadre d’apprentissage adapté constitue un acte de promotion de la santé. Les capacités motrices sont stimulées, les enfants sont davantage en mouvement et ont un poids corporel plus équilibré. (Hartig et al. 2014 ; Malone & Waite 2016 ; Raith & Lude 2014 ; Schneller et al. 2017).

Surtout après cette période de sédentarisme clos, le travail du corps à l’extérieur est essentiel pour se tenir en bonne santé.

Crédit : Nicolas Busque
Crédit photo : Nicolas Busque

RAISON 4 : enseigner dehors aide à la gestion du stress et renforce l’estime de soi.

Être dehors dans la nature améliore le bien-être, diminue les effets des évènements négatifs de la vie et réduit le stress. La gestion du stress ainsi que les stratégies d’adaptation sont des compétences essentielles à la vie (Hartig et al., 2014 ; Malone & Waite, 2016 ; Mygind et al., 2018 ; Raith & Lude, 2014).

Enseigner dehors améliore l’estime de soi, la conscience de soi et la confiance en soi (Bolling et al., 2019 ; Kuo et al., 2019 ; Malone & Waite, 2016 ; Mirrahimi, 2011 ; Raith & Lude, 2014 ). Cela permet une auto-évaluation plus réaliste et développe un meilleur état d’esprit. Les compétences personnelles transversales ainsi que la résistance psychique sont essentielles, et renforcées.

Après cette période de confinement, avec une hausse significative de la violence conjugale et parentale, de stress, de désorientation et de diminution de l’estime de soi pour l’enfant, travailler à l’école sur la confiance en soi et la gestion du stress est primordial.

Crédit photo : Julie Moffet

RAISON 5 : enseigner dehors reconnecte les élèves à leur environnement proche et équilibre l’excès de virtuel dû au confinement.

Après cette période propice au ‘High-Tech’, les élèves auront surtout besoin de ‘High-Touch’, soit se reconnecter les uns avec les autres, avec le monde qui les entoure, pour les aider à s’ancrer dans le réel, à vivre et à se responsabiliser dans une communauté.

La crise actuelle est en lien avec la dégradation des écosystèmes, renforçant la nécessité de repenser notre rapport au monde vivant. Les expériences directes vécues dans leur milieu de vie créent les bases d’un mode de vie durable (Chawla, 2009 ; Wells & Lekies, 2006).

En particulier, les expériences dans la nature donnent un sens à la vie et permettent de développer ses propres perspectives et valeurs. Elles favorisent la prise de position dans le monde.

Ceci est particulièrement nécessaire après une période de peur, de distance sociale, de méfiance envers l’autre et l‘extérieur.

Crédit photo : Julie Moffet

En résumé

Redonner confiance en soi et en autrui, se reconnecter aux autres et à l’environnement proche est la base nécessaire pour l’efficacité des apprentissages. Pour préparer les élèves à la vie, privilégions l’enseignement dehors, l’apprentissage global, plein de sens, proche de la vie quotidienne et motivant !

Pour ces raisons, et compte tenu de la situation mondiale actuelle, nous demandons à nos gouvernements de soutenir l’éducation à ciel ouvert et de déployer les moyens et ressources nécessaires pour outiller les professionnels souhaitant s’investir dans l’enseignement dehors.

** En date du 21 avril 2020, lors de la publication de cet article, une pétition portant le même nom était en cours à l’adresse https://www.thepetitionsite.com/fr/665/723/921/de/?taf_id=65610543&cid=fb_na

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